Le syndicat Jeunes médecins a vu le nombre de ses adhérents augmenter pour atteindre aujourd’hui la barre des 5 000. Quelles sont les spécificités de votre mouvement ?
Emmanuel Loeb : Effectivement, Jeunes Médecins se développe, et cela n’est pas fini : nous voulons insuffler un renouveau dans le paysage syndical français. C’est là une première particularité, tout comme d’ailleurs notre positionnement, avec un syndicat exclusivement dédié aux jeunes médecins qui ont aujourd’hui la trentaine ou la quarantaine. Notre objectif est de porter leurs attentes dans les négociations, à la fois au niveau national et régional. Nous voulons instaurer un exercice médical qui soit en adéquation avec les exigences des jeunes générations, notamment en matière de représentation professionnelle. L'exemple le plus flagrant est celui du Ségur de la santé : en se concentrant sur la fin de carrière des praticiens hospitaliers avec la création de trois nouveaux échelons, les négociations se sont largement faites en faveur d'une représentation senior. Jeunes Médecins n’a donc pas signé.
Vous portez également d’autres sujets tels que l’installation…
Cette question est centrale, notamment dans l’exercice libéral où l’on sait qu'il existe ici de réelles difficultés. De la même façon, nous insistons sur la nécessité de faciliter l’entrepreneuriat et son insertion, si besoin, dans nos carrières professionnelles. Nous en sommes persuadés : une troisième façon de faire de la médecine est aujourd’hui possible, à travers la création d’une entreprise de la santé, notamment dans le secteur du digital. Il faut donc limiter au maximum le nombre de freins actuellement rencontrés par les médecins lors de la création de nouvelles entreprises dans le champ de la santé.
Quels sont les principaux combats de Jeunes Médecins ?
Nous militons avant tout pour que les nouvelles générations aient de la place dans le monde de la santé. Quand certains se plaignent aujourd'hui de la gouvernance à l'hôpital, ils oublient qu’ils sont en place depuis plus de vingt ans. Il est facile de reporter toutes les fautes sur l’administration. Nous pensons que la problématique relève aussi des médecins actuellement à la tête des pôles ou des services, et qui ne cherchent pas toujours à faciliter les projets et les activités des jeunes médecins. Mais les directeurs doivent également prendre leurs responsabilités et avoir le courage de désigner de nouveaux chefs de pôles, plus jeunes.
Quel est votre bilan du dernier quinquennat présidentiel ?
Je le résumerai en un mot : décevant. Alors que l'on nous présentait beaucoup d'éléments disruptifs, dans les faits nous n'avons rien vu de particulièrement transformant. Nous avons en outre constaté, tout au long du quinquennat, une absence complète d’échanges avec les corps intermédiaires. Ce dernier mandat présidentiel a été catastrophique pour la santé, rien n’a été fait pour l'hôpital. Certes, il y a eu quelques mesures, mais peu ont un impact réel sur les conditions de travail des soignants. Si l’on prend l’exemple de la disparition des deux statuts de praticien hospitalier (PH), à temps plein et à temps partiel, et de leur fusion en un statut unique, force est de constater que personne ne l'avait demandé. Au contraire, les jeunes médecins attendaient de nouvelles modalités administratives pour faciliter la présentation au concours de PH, ainsi qu'une plus grande transparence dans la publication des postes. Quant à la hausse de rémunération des soignants, dont se gargarise Olivier Véran, elle n’est clairement pas suffisante. L’objectif doit être la mise au niveau des salaires avec la moyenne des pays de l'OCDE. Or, la France est encore en queue de peloton.
L’hôpital fait toujours face à un manque de personnel…
Bien sûr, puisqu’aucune solution n'a été trouvée ! La réalité, c'est que de très nombreux postes sont vacants à l’hôpital public. On entend souvent qu’on manque de lits, mais on manque surtout de soignants. Ce message est d’ailleurs en train de passer dans la sphère médiatique et auprès du grand public. Pour y répondre, il faudra une revalorisation massive des salaires de soignants, et une politique ambitieuse de restructuration de l'offre hospitalière. Comme indiqué dans le document que nous avons soumis à la commission sénatoriale sur les systèmes de santé, nous préconisons ici que les établissements de proximité soient transformés en pôles ambulatoires, afin de continuer à répondre aux besoins de santé de leur territoire immédiat tout en limitant le risque lié à un faible nombre d’actes réalisés chaque année.
Quelle est votre vision de l'hôpital de demain ?
Jeunes Médecins considère qu’aujourd’hui, le principal problème est qu'il n'y a pas de réel partage des tâches. Nous assistons donc à une mise en concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Chaque type d'établissement doit avoir une mission définie : pour le public, des plateaux techniques lourds et des prises en charge complexes nécessitant des financements importants, et pour le privé, une offre hospitalière qui s'adapte aux besoins des territoires en fonction de leurs indicateurs de santé. Pour les médecins, cela s’accompagnerait d’un statut souple qui leur permettra d’exercer sur ces deux types d'établissements. Comme je le disais plus haut, cette réorganisation globale du système de santé adressera plusieurs enjeux. Elle favorisera, d’une part, le regroupement des activités pour garantir une pratique régulière et renforcer ainsi la sécurité des soins. Elle permettra, d’autre part, de mieux accompagner les patients dans leur habitat avec des pôles ambulatoires proposant une offre de proximité.
Ne craignez-vous pas qu’un tel système ne déstabilise l’offre publique ?
Au contraire, le mélange actuel entre hôpitaux publics et cliniques privées conduit au démantèlement de l'hôpital public, au profit justement du secteur privé. Nous alertons fréquemment les professionnels de la santé et le grand public sur ce point. Et ce n’est pas chose aisée. Nous l’avons vu avec la campagne présidentielle : beaucoup prédisaient que la santé serait au cœur des débats, mais cela n'a pas été le cas. Il faut dire que notre secteur est très complexe, ce qui ne joue pas en sa faveur : il est compliqué de dérouler un argumentaire structuré dans un temps de parole parfois assez court. Nous devons pourtant continuer à intervenir, à donner de la voix et à alerter le grand public sur les problématiques actuelles du monde de la santé.
Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.
Emmanuel Loeb : Effectivement, Jeunes Médecins se développe, et cela n’est pas fini : nous voulons insuffler un renouveau dans le paysage syndical français. C’est là une première particularité, tout comme d’ailleurs notre positionnement, avec un syndicat exclusivement dédié aux jeunes médecins qui ont aujourd’hui la trentaine ou la quarantaine. Notre objectif est de porter leurs attentes dans les négociations, à la fois au niveau national et régional. Nous voulons instaurer un exercice médical qui soit en adéquation avec les exigences des jeunes générations, notamment en matière de représentation professionnelle. L'exemple le plus flagrant est celui du Ségur de la santé : en se concentrant sur la fin de carrière des praticiens hospitaliers avec la création de trois nouveaux échelons, les négociations se sont largement faites en faveur d'une représentation senior. Jeunes Médecins n’a donc pas signé.
Vous portez également d’autres sujets tels que l’installation…
Cette question est centrale, notamment dans l’exercice libéral où l’on sait qu'il existe ici de réelles difficultés. De la même façon, nous insistons sur la nécessité de faciliter l’entrepreneuriat et son insertion, si besoin, dans nos carrières professionnelles. Nous en sommes persuadés : une troisième façon de faire de la médecine est aujourd’hui possible, à travers la création d’une entreprise de la santé, notamment dans le secteur du digital. Il faut donc limiter au maximum le nombre de freins actuellement rencontrés par les médecins lors de la création de nouvelles entreprises dans le champ de la santé.
Quels sont les principaux combats de Jeunes Médecins ?
Nous militons avant tout pour que les nouvelles générations aient de la place dans le monde de la santé. Quand certains se plaignent aujourd'hui de la gouvernance à l'hôpital, ils oublient qu’ils sont en place depuis plus de vingt ans. Il est facile de reporter toutes les fautes sur l’administration. Nous pensons que la problématique relève aussi des médecins actuellement à la tête des pôles ou des services, et qui ne cherchent pas toujours à faciliter les projets et les activités des jeunes médecins. Mais les directeurs doivent également prendre leurs responsabilités et avoir le courage de désigner de nouveaux chefs de pôles, plus jeunes.
Quel est votre bilan du dernier quinquennat présidentiel ?
Je le résumerai en un mot : décevant. Alors que l'on nous présentait beaucoup d'éléments disruptifs, dans les faits nous n'avons rien vu de particulièrement transformant. Nous avons en outre constaté, tout au long du quinquennat, une absence complète d’échanges avec les corps intermédiaires. Ce dernier mandat présidentiel a été catastrophique pour la santé, rien n’a été fait pour l'hôpital. Certes, il y a eu quelques mesures, mais peu ont un impact réel sur les conditions de travail des soignants. Si l’on prend l’exemple de la disparition des deux statuts de praticien hospitalier (PH), à temps plein et à temps partiel, et de leur fusion en un statut unique, force est de constater que personne ne l'avait demandé. Au contraire, les jeunes médecins attendaient de nouvelles modalités administratives pour faciliter la présentation au concours de PH, ainsi qu'une plus grande transparence dans la publication des postes. Quant à la hausse de rémunération des soignants, dont se gargarise Olivier Véran, elle n’est clairement pas suffisante. L’objectif doit être la mise au niveau des salaires avec la moyenne des pays de l'OCDE. Or, la France est encore en queue de peloton.
L’hôpital fait toujours face à un manque de personnel…
Bien sûr, puisqu’aucune solution n'a été trouvée ! La réalité, c'est que de très nombreux postes sont vacants à l’hôpital public. On entend souvent qu’on manque de lits, mais on manque surtout de soignants. Ce message est d’ailleurs en train de passer dans la sphère médiatique et auprès du grand public. Pour y répondre, il faudra une revalorisation massive des salaires de soignants, et une politique ambitieuse de restructuration de l'offre hospitalière. Comme indiqué dans le document que nous avons soumis à la commission sénatoriale sur les systèmes de santé, nous préconisons ici que les établissements de proximité soient transformés en pôles ambulatoires, afin de continuer à répondre aux besoins de santé de leur territoire immédiat tout en limitant le risque lié à un faible nombre d’actes réalisés chaque année.
Quelle est votre vision de l'hôpital de demain ?
Jeunes Médecins considère qu’aujourd’hui, le principal problème est qu'il n'y a pas de réel partage des tâches. Nous assistons donc à une mise en concurrence entre le secteur public et le secteur privé. Chaque type d'établissement doit avoir une mission définie : pour le public, des plateaux techniques lourds et des prises en charge complexes nécessitant des financements importants, et pour le privé, une offre hospitalière qui s'adapte aux besoins des territoires en fonction de leurs indicateurs de santé. Pour les médecins, cela s’accompagnerait d’un statut souple qui leur permettra d’exercer sur ces deux types d'établissements. Comme je le disais plus haut, cette réorganisation globale du système de santé adressera plusieurs enjeux. Elle favorisera, d’une part, le regroupement des activités pour garantir une pratique régulière et renforcer ainsi la sécurité des soins. Elle permettra, d’autre part, de mieux accompagner les patients dans leur habitat avec des pôles ambulatoires proposant une offre de proximité.
Ne craignez-vous pas qu’un tel système ne déstabilise l’offre publique ?
Au contraire, le mélange actuel entre hôpitaux publics et cliniques privées conduit au démantèlement de l'hôpital public, au profit justement du secteur privé. Nous alertons fréquemment les professionnels de la santé et le grand public sur ce point. Et ce n’est pas chose aisée. Nous l’avons vu avec la campagne présidentielle : beaucoup prédisaient que la santé serait au cœur des débats, mais cela n'a pas été le cas. Il faut dire que notre secteur est très complexe, ce qui ne joue pas en sa faveur : il est compliqué de dérouler un argumentaire structuré dans un temps de parole parfois assez court. Nous devons pourtant continuer à intervenir, à donner de la voix et à alerter le grand public sur les problématiques actuelles du monde de la santé.
Article publié dans l'édition de mai 2022 d'Hospitalia à lire ici.